En sciences humaines et sociales, toutes disciplines confondues, l’écriture est partie prenante du processus de production des connaissances. Et les chercheurs de ces disciplines passent en principe une grande partie de leur temps à écrire : articles, ouvrages, contributions à des colloques, recensions, mais aussi rapports d’expertise, évaluations, demandes de financement... Quel rapport entretiennent-ils avec cette activité si particulière ? Comment écrivent-ils ?
Les imaginaires associés à l’écriture littéraire, celle-ci étant auréolée d’une sacralité particulière, ont-ils encore cours, doivent-ils encore avoir cours, dans un monde sans cesse renvoyé à l’idéal positiviste des sciences « exactes » ? Les injonctions à l’internationalisation et à la numérisation n’ont-elles pas pour effet, au terme d’une division du travail qui distingue définitivement la science de l’art et le vrai du beau, de renvoyer la figure artisanale de l’intellectuel tenté par l’écriture à un passé pré-scientifique ? Certaines disciplines ne vont-elles pas jusqu’à revendiquer comme étalon de scientificité la mise à distance des formes « littéraires » d’écriture du savoir ? Devenant « scientifique », l'écriture devient-elle pour autant toujours fonctionnelle, transitive, profane ? Les « auteurs » disparaissent-ils au profit de collectifs (co-écriture, co-signature...) ? Comment l'écriture savante s'est-elle imposée, avec ses codes, ses façons d'argumenter, de démontrer, de produire un matériau ? Comment la rigueur scientifique s'est-elle faite discours ?
Les deux journées d’étude du cycle pluriannuel « Métier de chercheur·e » organisées par et à la MSHB, en partenariat avec le pôle doctoral de Rennes, les 1er et 15 mars 2019 s’efforceront d’explorer ces questions en mobilisant, autour de deux grands témoins (Philippe Artières, Nathalie Heinich), des intervenant/es de toutes disciplines (enseignants-chercheurs et doctorant/es) développant des pratiques d’écriture très diverses, selon une polarité qui va de ce que l’on pourrait appeler la « tentation littéraire » (Histoire, Arts-Lettres, Anthropologie, Sociologie, Philosophie ?) jusqu'à ce qui s'apparente davantage à un alignement sur les pratiques des sciences « dures » (psychologie expérimentale, lexicométrie, économie...). Ce sera l’occasion d’interroger des objets aussi divers que le droit à la subjectivité du chercheur, la rhétorique savante, l'argumentation scientifique (administration de la preuve, effet de réel...), l'écriture à plusieurs mains, l'incitation à publier en anglais, la pratique des blogs, la socialisation à l'écriture des jeunes chercheurs, le statut du « livre » en SHS...
Chacune des deux journées d’étude est organisée selon la même trame : elles s'ouvriront par l’exposé d'un grand témoin, puis verront se succéder des ateliers animés par des chercheurs du périmètre MSHB.